Dr Eddy PASQUIER (CNRS Marseille)

Les travaux de recherche du Dr Pasquier se focalisent principalement sur le repositionnement de médicaments qui consiste à tester, dans de nouvelles indications thérapeutiques, des médicaments déjà approuvés par les autorités sanitaires. Le but de ce travail est d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour les cancers les plus difficiles à traiter et ainsi améliorer la prise en charge des patients atteints de ces formes agressives et réfractaires aux traitements. En particulier, les cancers pédiatriques (neuroblastome), les tumeurs cérébrales affectant les enfants comme les adultes (glioblastome, medulloblastome) ainsi que certaines formes rares de cancer (angiosarcome).

Pourquoi avez-vous choisi d'orienter vos recherches sur les cancers de l'enfant ?

C’est une vaste question à laquelle j’ai eu l’occasion de beaucoup réfléchir ces dernières années car elle revient souvent. J’ai tendance à penser que ce sont les circonstances de la vie qui m’ont amené vers la recherche en oncologie pédiatrique, et c’est la passion qui m’empêche désormais de faire quoique ce soit d’autre de ma vie. Lorsque j’avais 12 ans, j’ai souffert d’une paralysie faciale assez importante et j’ai du être hospitalisé dans un service d’oncologie pédiatrique car il y avait une suspicion de tumeur cérébrale. Avec le recul des années, je pense que cette expérience m’a profondément marqué et en sortant de l’hôpital, sain et sauf, j’ai sans doute eu une forme de « syndrome du survivant » qui m’a poussé, inconsciemment, vers cette voie professionnelle. Par ailleurs, j’avais certaines facilités d’apprentissage et je prenais beaucoup de plaisir à étudier. C’est donc naturellement que je me suis dirigé vers de longues études. Et enfin, lorsque j’étais étudiant en Master 2, j’ai eu la chance d’être encadré par 2 jeunes chercheurs exceptionnels, le Dr Manon Carré et le Dr Nicolas André, qui m’ont tous deux transmis leur passion pour l’oncologie pédiatrique.


Pouvez-vous nous présenter l'équipe qui travaille avec vous ?

L’équipe de recherche à laquelle j’appartiens (Biologie Structurale et Chimie-Biologie Intégrée) au sein du Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille a pour objectif d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques en se focalisant sur les interactions protéine-protéine. Au sein de cette équipe, je dirige un petit groupe qui se concentre sur le repositionnement de médicaments. Ce groupe est composé d’un étudiant en thèse, interne en pharmacie Jérémy Ariey-Bonnet, qui travaille essentiellement sur le glioblastome (une tumeur cérébrale incurable) et d’une étudiante en Master 2, Rébecca Aim, dont le projet de recherche est focalisé sur les leucémies aigües myéloïdes. Mon objectif à court terme est de recruter du personnel (étudiants, ingénieurs et post-doctorants) afin de pouvoir développer davantage mes projets de recherche en oncologie pédiatrique. Par ailleurs, je travaille de très près avec les équipes soignantes du service d’Hématologie et d’Oncologie Pédiatrique de l’Hôpital de la Timone, et notamment le Prof Nicolas André, avec qui je conçois la plupart de mes projets de recherche afin de faciliter le transfert vers la clinique et ainsi garantir l’application dans le monde réel de nos travaux de recherche en laboratoire.


Concrètement, à quoi sert l'argent confié par l'association Eva pour la vie ? Est-ce une aide importante pour vous, pour votre projet ?

Le soutien financier que je reçois de la part de l’association Eva pour la vie est absolument vital à mon activité de recherche. C’est très simple. Sans ce soutien, mes projets de recherche sur les cancers de l’enfant seraient tout simplement en stand by, faute de financement (et ce malgré plus de 10 demandes de financement déposées chaque année). L’argent qui m’a été confié va me permettre de payer les consommables nécessaires à la réalisation des expériences indispensables au transfert de nos résultats vers la clinique. Nous avons en effet identifié plusieurs médicaments, utilisés en clinique pour des applications aussi variées que l’hypertension artérielle, les infections parasitaires ou certains troubles psychiatriques, qui étaient capables d’augmenter l’efficacité des traitements de référence contre certaines formes de cancers de l’enfant. Nous devons désormais valider ces résultats afin de pouvoir mettre en place des essais cliniques. C’est à cette étape cruciale que le soutien d’Eva pour la vie intervient.

 

L’association EPLV est à l’initiative d’une démarche visant à obtenir de l’Etat une loi garantissant un fonds dédié à la recherche sur les cancers et maladies incurables de l’enfant, ainsi qu’une amélioration de l’aide aux familles. Elle est également co-fondatrice de la Fédération Grandir sans Cancer, à l’origine d’un manifeste que vous avez co-signé. Que pensez-vous de ces initiatives ?

Je soutiens pleinement les démarches d’EPLV et de la Fédération Grandir sans Cancer car j’estime qu’elles sont absolument indispensables. C’est très triste à dire mais le fait est que l’un des principaux moteurs de la recherche médicale reste la perspective de profits financiers pour l’industrie pharmaceutique et les entreprises de biotechnologie. Peu de gens le savent, mais ce sont les entreprises privées qui financent la grande majorité des essais cliniques dans le monde. Lorsque l’on travaille sur des médicaments qui ne sont plus brevetés, pour des applications en oncologie pédiatrique (et donc un marché économique potentiel très restreint par rapport aux cancers de l’adulte comme les cancers du sein, de la prostate ou du poumon), il devient extrêmement compliqué d’obtenir des financements. Et la mise en place d’essais cliniques devient un challenge encore plus grand. Il est donc du rôle de l’Etat de se substituer aux entreprises privées et garantir un financement fléché pour les travaux de recherche pouvant avoir un impact sur la santé publique, mais qui ont peu de perspectives de retombées financières immédiates.


Novembre 2019
Le soutien apporté par l’association Eva pour la vie a permis à l'équipe d'Eddy Pasquier d’entreprendre 2 approches complémentaires pour identifier les cibles moléculaires de deux classes de médicaments présentant des propriétés anti-cancéreuses prometteuses : les bétabloquants et les antihelminthiques de la classe des benzimidazoles. La première approche, dite in silico, repose sur l’utilisation d’un algorithme prédictif tandis que la seconde est basée sur l’utilisation de la chimie click. Leurs analyses par spectrométrie de masse ont permis d’identifier plusieurs nouvelles cibles thérapeutiques dans les gliomes et le neuroblastome. Les résultats ouvrent d’importantes perspectives non seulement pour la caractérisations des mécanismes d’action anti-cancéreux des médicaments en général, mais également pour la compréhension de la biologie des tumeurs du système nerveux central et périphérique.
Cliquer ici pour consulter le rapport détaillé.


Novembre 2020 : Une nouvelle étude dans la lutte contre le glioblastome

Une nouvelle publication relative au rôle du mébendazole et le MAPK14 (p38alpha) antihelminthiques pour lutter contre le glioblastome vient d'être diffusée sur la revue scientifique Molecular Oncology : https://febs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/1878-0261.12810

L'équipe d'Eddy Pasquier a décidé d'explorer le mécanisme d'action de ce médicament actuellement réutilisé pour le traitement des tumeurs cérébrales (3 essais cliniques en cours) en utilisant un algorithme afin de prédire de nouvelles cibles moléculaires pour ce médicament.
L'algorithme fonctionne en recherchant d'abord des composés avec des structures et des caractéristiques chimiques similaires (parmi 607 659 molécules), puis en interrogeant ChEMBL (ou ChEMBLdb, une base de données chimiques organisée manuellement de molécules bioactives avec des propriétés de type médicament) pour lister toutes les cibles moléculaires connues. Cela a généré une liste de 21 cibles moléculaires putatives pour le mébendazole, dont quatre avaient précédemment été montrées comme modulées par des médicaments de la même classe pharmacologique. Parmi ces cibles, 12 étaient significativement régulées à la hausse dans le glioblastome par rapport au tissu cérébral normal, y compris 4 kinases majeures: VEGFR2 / KDR, MAPK1 / ERK2, ABL1 et MAPK14 / p38alpha.
Comme l'activité kinase de KDR avait déjà été montrée comme inhibée par le mébendazole, l'éqauipe du Dr Eddy Pasquier a concentré ses expériences sur les 3 autres kinases (MAPK1, ABL1 et MAPK14).
Les analyses dont révélé que le mébendazole pouvait inhiber les 3 kinases, avec une puissance particulièrement élevée contre MAPK14. L'équipe a ensuite utilisé un panel de tests biophysiques et biochimiques pour caractériser l'interaction du mébendazole avec MAPK14. Le test de déplacement thermique (TSA), la calorimétrie par titrage isotherme (ITC) et la fluorimétrie à balayage différentiel à l'échelle nanométrique (nanoDSF) ont tous confirmé que le mébendazole pouvait interagir directement avec MAPK14.
La modélisation moléculaire a permis de prédire la façon dont le mébendazole interagit avec le site catalytique de MAPK14 pour inhiber son activité kinase et le test nanoBRET a été utilisé pour la validation orthogonale dans des cellules de glioblastome vivantes. Enfin, l'interférence ARN a été utilisée pour stopper l'expression de MAPK14 dans les cellules de glioblastome et a révélé que cette kinase est impliquée dans la croissance des sphéroïdes tumoraux et la réponse au traitement par le mébendazole.
Cette étude suggère que le ciblage de MAPK14 avec le mébendazole ou d'autres inhibiteurs pharmacologiques représente une stratégie prometteuse pour améliorer l'efficacité de la chimiothérapie dans le cancer, y compris l'efficacité du témozolomide contre le glioblastome. Ce projet a été soutenu financièrement par l'association Eva pour la vie et la Fondation A*MIDEX.

En téléchargement

Découverte de nouvelles cibles thérapeutiques dans les cancers pédiatriques réfractaires par une approche de reverse pharmacologie

NOUS SOUTENONS AUSSI..

VIRTU THERAPEUTICS (Nice)

Eva pour la vie & Grandir sans cancer ont, de par leur engagement financier, fortement accéléré le démarrage d’une start-up du médicament liée à la volonté de développer une petite molécule innovante pour le traitement du glioblastome, une tumeur du cerveau de l’adulte et de l’enfant très agressive et généralement incurable. Les dirigeants de cette start-up nous expliquent leurs travaux, perspectives et l'importance de favoriser le développement de petites sociétés axées sur des cancers rares, en particulier les cancers pédiatriques les plus agressifs ...

Dr Fabienne MEGGETTO (INSERM Toulouse)

Le Dr Fabienne Meggetto est directrice de recherche à l’INSERM de Toulouse, au sein d'une équipe d'excellence dont les travaux de recherche portent sur les lymphomes chez l’enfant. L'association Eva pour la vie a décidé d'apporter une aide de 50000 euros pour le démarrage d'un projet ambitieux et transversal, qui pourrait permettre de trouver de nouvelles voies thérapeutiques pour les lymphomes de mauvais pronostic, mais aussi, d'autres tumeurs solides tels que le neuroblastome....

Dr Sébastien APCHER (IGR, Villejuif)

Le Dr Sébastien APCHER est un chercheur INSERM responsable de l’équipe « Epitopes non-conventionnels et réponse immunitaire anti-cancéreuse » à l’INSTITUT GUSTAVE ROUSSY de Villejuif. Il a décidé d’orienter ses travaux de recherche sur les cancers de l’enfant. Eva pour la vie soutient financièrement cette équipe, d'une façon durable. Interview ...

Dr Max PIFFOUX (Centre Léon Bérard, Lyon)

Le Docteur Max PIFFOUX - sous la responsabilité de l’équipe "Apoptose et cancer" coordonnée par Aurélie DUTOUR au CLB - est le responsable scientifique du projet de recherche suivant : " De l'induction autophagique comme booster de la réponse aux immunothérapies : essai d'une nouvelle classe thérapeutique, les mimétiques de la restriction calorique, dans le modèle d'ostéosarcome pédiatrique". Eva pour la vie & Aidons Marina ont décidé de co-financer le lancement de ce projet, en apportant une subvention de 40000 euros.

Dr Patrick AUGUSTE (INSERM Bordeaux)

Depuis plus de 20 ans, cet enseignant chercheur travaille sur le cancer. Et cela fait presque 10 ans qu'il s'est dirigé dirigé vers le cancer du rein ou carcinome rénal. En rejoignant l'équipe du Dr Christophe Grosset (Inserm, équipe MiRCaDe), il voulait mettre à profit son expérience et franchir un nouveau pallier en travaillant sur les cancers de l'enfant. Il est à l'initiative d'un projet ambitieux, qui implique plusieurs chirurgiens, médecins et chercheurs internationaux, sur l'étude du néphroblastome (ou tumeur de Wilms) chez l'enfant, cofinancé par l'association Eva pour la vie et Aidons Marina ...



Dr Olivia FROMIGUE (Institut Gustave Roussy)

La résistance aux traitements est un problème clinique majeur, en particulier dans le cas des ostéosarcomes, tumeurs osseuses touchant les enfants ou adolescents. En effet, la chimiothérapie, associée à la chirurgie, est le pivot central du traitement actuel. Or de nombreux ostéosarcomes sont ou deviennent résistants à ces médicaments antiprolifératifs. Les récidives et/ou l’apparition de métastases sont alors fréquentes. 2 patients sur 5 ne pourront être guéris ! L’ostéosarcome est donc un cancer pédiatrique à pronostic sombre pour lequel il est absolument nécessaire d’identifier les moyens de contrecarrer la résistance aux traitements afin d’améliorer les chances de guérison des patients.



Dr Christophe GROSSET (INSERM Bordeaux)

Depuis 2012, le Dr Christophe Grosset étudie l’hépatoblastome, une tumeur du foie qui touche les très jeunes enfants. la principale difficulté est de traiter les patients souffrant de métastases ou d’une tumeur inopérable et résistante au traitement. Avec l'appui de l'association Eva pour la vie, l’équipe a mis en place un nouveau modèle d’hépatoblastome dans l’embryon de poulet qui permet de tester l’efficacité de nouvelles molécules thérapeutiques (comme les microARNs) et de faciliter l’étude de ces tumeurs en laboratoire. Son équipe s'investit également dans la recherche sur les tumeurs du tronc cérébral, avec des résultats prometteurs.

Dr Martin HAGEDORN (INSERM Bordeaux)

Depuis Septembre 2014, le Dr Martin Hagedorn pilote une équipe constituée de chercheurs (Caroline CAPDEVIELLE, Farah RAHAL, Justine CHARPENTIER et Mélissa MENARD) qui consacre ses travaux de recherche à l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques dans les tumeurs du tronc cérébral et à l’amélioration de ses modes de traitement. Des travaux reconnus par plusieurs équipes & experts scientifiques européens. 



Dr Annie SCHMIDT (INSERM Nice)

L'équipe de recherche du Dr Alliana Schmid porte sur le traitement des métastases pulmonaires d'ostéosarcome, tumeur osseuse maligne la plus fréquente chez l’enfant et l’adolescent avec 150 nouveaux cas par an. Grâce au progrès de la chimiothérapie couplée à l’optimisation des techniques chirurgicales, le taux de survie atteint 60 à 70 % pour les patients présentant un ostéosarcome non métastatique. A l'inverse, la mortalité est très élevée pour les jeunes patients atteints d'ostéosarcomes métastatiques, d'où la nécessité absolue d'accélérer la recherche sur ces pathologies ...


Dr Marie CASTETS (INSERM Lyon)

Les travaux de l'équipe INSERM co-dirigée par le Dr Marie Castets (CR1 Inserm, HDR) et le Dr Jean-Yves Blay (PUPH, HDR) portent sur la mort cellulaire et les cancers. Grâce au soutien d’Eva pour la Vie (55000 euros) et d’autres associations, cette équipe développe actuellement ces axes de recherche sur les rhabdomyosarcomes, les ostéosarcomes et les neuroblastomes ...



Pr Sébastien PAPOT (Université de Poitiers)

Fin 2018, la région Nouvelle Aquitaine a accepté de cofinancer avec Eva pour la vie le projet de recherche "Etudes biologiques et précliniques de nouveaux agents anticancéreux, dont certains ciblant EZH2/PRC2, dans le traitement de l’hépatoblastome hautement proliférant", mené par le Pr Papot et le Dr Grosset. L'association Eva pour la Vie a pris en charge à hauteur de 50% du coût l'achat d'un équipement de laboratoire (d'un montant de 9 000€) nécessaire au bon déroulement de ces travaux.

La recherche épidémiologique

Si le développement de voies thérapeutiques adaptées à l'enfant est indispensable (pour tenter de sauver les enfants qui aujourd'hui, demeurent sans solution thérapeutique et/ou pour réduire les effets secondaires), nous n'oublions pas une réalité tout aussi forte : sur les 50 dernières années, le nombre d'enfants touchés par un cancer n'a jamais baissé. Beaucoup reste à faire en matière de prévention, tant au niveau de la recherche que de la réglementation. Eva pour la vie intervient activement en co-financant des études environnementales. La première d'entre elle, HAPPI, visait à faire analyser par le laboratoire KUDZU SCIENCE des échantillons de poussière prélevés dans des habitations riveraines de vignes - accueillant des enfants ou des femmes enceintes - ainsi que dans une salle de classe d’école primaire.

André Cicolella (RES, Paris)

André Cicolella est un chimiste, toxicologue et chercheur français en santé environnementale, spécialiste de l’évaluation des risques sanitaires. Eva pour la vie a co-financé, avec le collectif REGARDS, la transposition française d'une étude menée au Danemark à partir des registres de cancer et de consommation des médicaments, qui avait mis en évidence un risque multiplié par 3 d'ostéosarcomes et par 2 de lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens en cas d'exposition via des médicaments utilisant le phtalate DEP (DiEthyl Phtalate) dans les médicaments gastro-résistants.